VOTRE ARGENT
Confiance dans Wall Street, pas dans la Maison Blanche
Le premier semestre fut pour le moins chahuté sur la scène financière. Après un été plus serein, à quoi l’investisseur peut-il s’attendre pour les derniers mois de l’année ? Comment doit-il se positionner ?

Le calme après la tempête du printemps, ou la tempête après le calme de l’été ? Bien malin qui pourrait affirmer ce que le locataire de la Maison Blanche nous réserve comme (mauvaises) surprises dans les prochains mois. Faut-il se méfier des valeurs technologiques américaines, qui seraient décidément trop chères ? Le dollar va-t-il poursuivre sa glissade, engendrant des moins-values dans la plupart des portefeuilles ? Les actions européennes vont-elles retrouver leur vigoureux élan du début d’année ? Quelques leçons récentes et quelques pistes.
Un scénario bafoué
On se souvient que le premier trimestre 2025 a semé la consternation dans les milieux financiers : apeurée par les déclarations contradictoires de Donald Trump, la bourse américaine battait en retraite, alors que les valeurs européennes s’appréciaient au contraire de manière fort sympathique. À Wall Street, l’indice S&P 500 se retrouvait en repli de –4,7 % par rapport à son niveau de la fin 2024. De ce côté-ci de l’Atlantique par contre, l’indice STOXX 600 s’inscrivait en hausse de 5,7 % à la fin mars, après avoir même frisé les 12 % au début du mois, une performance remarquable ! Plus de 10 % d’écart entre les actions américaines et les européennes, en trois mois à peine, voilà qui n’était inscrit dans aucun scénario.
La plupart de ces professionnels avaient, comme les années précédentes, investi très largement en actions américaines, notamment technologiques, de sorte que la surprise fut amère. D’autant que le dollar s’est mis à flancher. Résultat : l’écart de performance fut finalement de l’ordre de 15 % sur le trimestre ! Et quand Donald Trump présenta ses « tarifs réciproques » le 2 avril, le krach fut plus violent là-bas qu’ici, tandis que le dollar accentuait son repli. Peu avant la fin du mois, exprimé en euro, le marché américaine était en chute de 20 %. Oui, cela peut être qualifié de krach. Première leçon : le scénario jugé le plus probable n’est jamais certain !
Ne pas juger seulement à court terme
Fallait-il pour autant faire volte-face ? Pas vraiment, avec pour argument fondamental que les entreprises américaines restent largement parmi les plus dynamiques et trustent les premières places mondiales dans le domaine technologique. Même si l’annonce fracassante de l’intelligence artificielle chinoise Deep Seek a un moment semé le doute en février dernier.
Deuxième leçon : une mauvaise surprise à court terme ne remet pas en cause une stratégie à long terme si ses fondements restent valables. Avec un bémol quand même, car le dollar a accéléré son repli au deuxième trimestre : -8,2 %. Il est alors en chute de 12,2 % depuis le début de l’année. C’est énorme, on en conviendra. Est-il aujourd’hui au plus bas, comme peut le suggérer son redressement symbolique des deux derniers mois ? Impossible à deviner, surtout avec un président qui clame vouloir une devise faible, pour booster la compétitivité des entreprises.
Le dollar n’est pas le peso argentin ou la lira turque : il n’a aucune raison de s’effondrer.
Deux remarques s’imposent toutefois. D’abord, le dollar n’est pas le peso argentin ou la lira turque : il n’a aucune raison de s’effondrer. D’ailleurs, il est un autre élément que l’investisseur doit garder à l’esprit pour juger une performance : ne pas s’en tenir au court terme. Le dollar en chute de plus de 12 % en un semestre, c’est énorme, oui, mais il s’était apprécié d’une dizaine de pour cent à l’automne 2024. Toujours à fin juin, mais à un an d’écart, son recul se limitait à 5 % environ. Par ailleurs, le niveau actuel du dollar face à l’euro… est presque exactement le même qu’il y a cinq ans. Si c’est à juste titre qu’on attire l’attention de l’investisseur particulier sur le risque de change, une notion qu’il a tendance à perdre de vue, celui présenté par le dollar américain n’est, encore une fois, nullement comparable à celui de la lira turque. Laquelle a, pour information, perdu 82 % de sa valeur en cinq ans.
Wall Street redresse la tête et l’Europe est en panne
Revenons à Wall Street, qui a enregistré un redressement non négligeable au deuxième trimestre, prolongé cet été. Et ceci alors que les bourses européennes se morfondaient plutôt. Depuis leur tréfonds d’avril, des valeurs technologiques vedettes comme Apple, Amazon, Alphabet ou Microsoft ont rebondi de 35 à 40 %, tandis que l’action super-vedette Nvidia doublait. Exprimé en euro, un portefeuille d’actions américaines était encore légèrement dans le rouge vers la fin août, ce qui est fort contrariant, mais n’a rien de comparable à la situation du mois d’avril. Soit -2% environ, alors que la hausse de l’indice est de l’ordre de 10 % en dollar.
Force est par ailleurs de reconnaître que les actions européennes ont, dans le même temps, connu quelques retours de manivelle. Y compris de véritables divas comme l’empereur du luxe Hermès ou encore Ferrari. Le premier a chuté de 13 % durant la dernière semaine de juillet le second de 14 % le 31 de ce même mois ! Mais que dire alors du groupe pharmaceutique danois Novo Nordisk, dont l’action s’est effondrée de 36 % en 10 jours ! Et dont la chute atteignait alors 62 % sur un an. Ses produits Ozempic et Wegovy seraient moins efficaces que les Mounjaro et Zepbound de son grand rival Eli Lilly, ont affirmé certains. Riposte immédiate : le prix du Wegovy a, aux États-Unis, été abaissé de moitié, à 499 dollars. Le cours de Novo Nordisk a ensuite regagné une vingtaine de pour cent, nombre d’analystes jugeant la chute excessive.
En bourse, il faut toujours miser sur plusieurs chevaux à la fois !
Quoi qu’il en soi, tandis que l’indice paneuropéen Stoxx 600 n’a plus « rien fait » depuis la fin mai, l’indice S&P 500 du marché américain s’appréciait encore d’une dizaine de pour cent. Troisième leçon : ne pas trop vite brûler ce qu’on a adoré, à savoir les actions américaines. Et ne pas trop vite prendre le challenger, à savoir les actions européennes, pour le nouveau vainqueur. Surtout quand Paris est dans la tourmente, ce qui pèse sur les actions et obligations françaises. En bourse, il faut toujours miser sur plusieurs chevaux à la fois !
L’IA dans une bulle ?
Il reste qu’on peut s’inquiéter des diverses déclarations du mois dernier qui présentaient les actions liées à l’intelligence artificielle (IA) comme prises dans une bulle. A fortiori quand Sam Altman est de la partie : qui mieux que le patron d’OpenAI et pape de l’IA, pourrait en juger ? Il a en réalité affirmé que le secteur était « en partie » devenu une bulle. N’empêche… Les résultats publiés le 27 août par Nvidia ont toutefois rassuré, même si le cours a fléchi en raison de l’incertitude liée au marché chinois : le leader des puces utilisées dans l’IA a, une fois de plus, publié des résultats supérieurs aux attentes, confirmant que la croissance du secteur reste intacte. Par contre, ses prévisions pour le trimestre en cours ne sont pas euphoriques. Alors, le secteur de l’IA est-il menacé d’une grosse correction ? Le conseil de nombreux analystes est simple : rester investi dans la technologie américaine, qui reste a priori incontournable, mais de manière très diversifiée, sans se laisser hypnotiser par l’IA.
Le malheur des uns…
Le 21 août dernier, Jerome Powell, le président de la banque centrale (Fed), a enfin annoncé une baisse des taux d’intérêt pour la mi-septembre. Elle devenait inévitable en regard du ralentissement de l’économie américaine qui transparaît de plusieurs indicateurs récents. Cette annonce n’a toutefois entraîné qu’une très petite détente des taux à long terme, ceux qui sont importants pour les entreprises et les investisseurs. Sans doute parce que les attaques de Donald Trump à l’encontre de la Fed génèrent une sérieuse défiance à l’égard des obligations américaines. En clair : les investisseurs internationaux ne vont pas accepter un rendement moindre pour un actif qui leur semble moins sûr ! Cette défiance est bienvenue pour l’Europe : comme au premier trimestre, ces investisseurs pourraient se tourner un peu plus que de coutume vers les actifs européens pour garnir leurs portefeuilles. Le malheur des uns…
La bourse de Bruxelles au sommet !
On ne peut passer sous silence le grand évènement célébré le 14 août dernier : l’indice d’Euronext Bruxelles a enfin retrouvé son sommet… datant du 23 mai 2007. On a compris que c’est sans nul doute un soulagement, mais pas vraiment un exploit ! Un marché boursier qui chute au point de rester dans le rouge pendant 18 ans, c’est un désastre pour l’investisseur qui aurait concentré ses placements sur lui. Or, s’en tenir aux actions belges était une attitude fréquente de la part de l’investisseur particulier. Il aurait une fameuse raison de se mordre les doigts en constatant que la bourse américaine a, dans le même temps, vu son indice multiplié par 4. L’indice Nasdaq des valeurs technologiques a même performé deux fois mieux encore : il a été multiplié par 8 !
On s’en voudrait toutefois de faire l’impasse sur une petite consolation : l’investisseur en actions belges s’est un peu rattrapé grâce aux dividendes. Ceux payés par les entreprises belges sont en effet sensiblement plus élevés que ceux payés par les sociétés américaines. Actuellement, le rendement de dividende de la bourse de Bruxelles est ainsi de l’ordre de 4 %, contre 1,2 % à peine pour la bourse américaine. Or, les indices dont question ici, qui sont ceux communément repris pour évoquer les performances boursières, ne retiennent que les évolutions de cours. Rarement évoqués, les indices de return reprennent les évolutions de cours + les dividendes, ces derniers étant censés être aussitôt réinvestis dans l’action en question. C’est le principe bien connu des fonds de capitalisation. L’indice de return d’Euronext Bruxelles a progressé de 73 % durant cette période de 18 ans. C’est beaucoup mieux que zéro, mais toujours pas mirifique ! Il s’agit bien d’une petite consolation…
G.L.