PRATIQUE
Comment abordez-vous la question des consommations en consultation ?
Un guide destiné aux médecins généralistes et à leurs patients vise à favoriser le dialogue en consultation autour des consommations de tous types.
« Cette brochure réalisée à partir de groupes de travail mixtes (médecins généralistes/consommateurs) constitue avant tout un support réflexif valorisant la qualité de la relation thérapeutique plutôt que la connaissance théorique des consommations et des produits », indique la Féda (Fédération Drogues Addictions Bruxelles) qui a présenté cet outil de réduction des risques (RdR) lors d’un webinaire.[1]
« Dans ces groupes de travail, on s’est rendu compte qu’il y avait énormément de représentations de part et d’autres. À la fois sur les attentes des patients quand ils parlaient de leur consommation, mais aussi sur celles des médecins. Le consommateur pense par exemple que son médecin voudra forcément qu’il arrête. Quant au médecin, il pense qu’il a le devoir de lui dire d’arrêter. On a donc décidé de créer ensemble un outil unique destiné aux médecins et aux patients pour favoriser le dialogue sur les questions autour des consommations », explique Alexandra Al Haffar, assistante sociale et chargée de projets au Résad (Réseau pluridisciplinaire d’accompagnement et de soutien aux addictions asbl).[2]
Cette brochure a été réalisée en partenariat avec Modus Vivendi et avec le soutien du département de médecine générale de l’ULB.
Mon patient, sa consommation
Si ce guide s’adresse simultanément aux deux publics, les parties destinées aux consommateurs sont visuellement identifiées en violet et celles pour les médecins en orange. « L’un et l’autre ont accès aux idées préconçues, aux réflexions et aux représentations de l’autre. Pour nous, c’est déjà un premier pas pour favoriser la rencontre », précise Roxane Nikkhah, assistante sociale et chargée de projets au Résad.
Le premier point souligne les choses à garder en tête en tant que patient, à savoir qu’il n’y a pas d’obligation de parler de sa consommation, c’est un choix individuel et libre. Quant au médecin, il doit savoir qu’un patient qui parle de sa consommation ne souhaite pas forcément l’arrêter, que la peur n’est jamais un bon moteur de changement, que la majorité des consommations sont récréatives, que les patientes rencontrent plus de difficultés à évoquer leur consommation…
Trois moments
La brochure suit les trois temps de la consultation : avant, pendant et après.
Que dire, que faire avant la consultation ? « On parle du ‘piège de l’expert’, une problématique souvent relayée par les deux : le médecin qui estime ne pas être spécialiste ‘addicto’ et le consommateur qui estime que son médecin n’y connaît rien. L’addictologie n’est pas une spécialisation en tant que telle en Belgique. On appelle médecins ‘addictos’ ceux qui ont une longue expérience dans ce domaine, ceux qui peuvent mettre en exergue l’expérience décrite par leurs patients avec la littérature scientifique ou avec d’autres expériences de patients », poursuit-elle.
Les auteurs parlent ici de « produit » plutôt que de « drogue » pour éviter les stigmas. Par « produit », on entend médicament, prescrit ou non, substances illicites mais aussi alcool et tabac. « Dans le domaine de la RdR, on ne fait pas la distinction drogues dures/douces. On fait la distinction usage dur/doux », insiste la spécialiste.
Le droit à la confidentialité des patients, passage obligé pour créer une relation de confiance, fait également l’objet d’un rappel.
Saisir l’occasion
Pourquoi est-il intéressant pour le patient d’aborder cette question en consultation ? Parce que c’est aussi un lieu de dialogue, de prévention, d’information et de RdR. « Partager son vécu de consommation permet d’enrichir les connaissances du médecin. »
« Dans le domaine de la RdR, on ne fait pas la distinction drogues dures/douces. On fait la distinction usage dur/doux »
Certains symptômes physiques et psychiques peuvent bien entendu alerter le patient et le médecin. Ce dernier peut poser la question de la consommation à différentes occasions : lors d’un check-up, en cas de désir de grossesse, à l’annonce d’un diagnostic, lors de l’induction d’un traitement susceptible de présenter des interactions… « On s’intéresse à l’alcool, mais les ISRS ont aussi de grosses interactions avec certains produits comme la MDMA qui est largement consommée de manière occasionnelle par beaucoup de personnes. Modus Vivendi a réalisé un tableau des mélanges. Le site chemsex.be répertorie les interactions entre produits licites ou illicites et les médicaments contre le VIH. »
Enfin, après la consultation, si le patient ne s’est pas senti écouté, il peut se tourner vers le Résad, Modus Vivendi ou Féda Bxl.
« Pour les généralistes, il n’est pas rare de devoir orienter vers des spécialistes, par exemple vers les ORL parce que la majorité des consommations se font en snif ou en ingestion, mais le snif entraîne plus de problèmes somatiques », note Roxane Nikkhah. Elle conclut en rappelant que les médecins généralistes peuvent être soutenus par d’autres professionnels : « Le Résad propose un espace de supervision (groupe Balint), un soutien ponctuel et des formations. »
[1] https://fedabxl.be
[2] https://resad.be
Brochure « Ma consommation & mon/ma médecin-Mon/ma patient·e & sa consommation » à télécharger sur les sites du Résad, de Modus Vivendi et de la Féda Bxl.
Des exemplaires papier peuvent être commandés au Résad, 02/534.87.41, secretariat@resad.be
Un atelier autour de la brochure se tiendra le 1er octobre dans le cadre du Forum Addiction & Société, Bruxelles (www.addictionetsociete.com/forum-2025)
