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59e congrès de l'Amub

Comment améliorer la relation entre le patient handicapé mental et son médecin

Master

Un TFE[1] de la Dre Mathilde Berland récompensé lors des journées de l’Amub à l’ULB-Erasme explore dans quelle mesure la relation patient-médecin est possible si le premier est porteur d’un handicap mental. La conclusion est positive moyennant certaines adaptations, surtout en matière de communication. Les médecins spécialistes semblent davantage  impressionner ce type de patients que les généralistes.

patient handicapé
© GettyImage

Traditionnellement, la relation médecin-patient fonctionnaire sur un modèle paternaliste : le médecin décidait seul des soins, convaincu de savoir ce qui était « le mieux » pour le patient. Depuis les années 1990, un nouveau paradigme s’est imposé : la « prise de décision partagée », qui valorise l’implication active du patient et améliore la compliance, la satisfaction et la qualité des soins.

Ceci n’est pas sans entraîner des complications pour les patients mentalement déficients. L’auteure explique : « Les personnes avec un handicap intellectuel (1 à 3 % de la population) ont un accès sous-optimal aux soins, souffrent plus de maladies chroniques et de décès évitables. Elles se voient trois fois plus souvent refuser des soins que la population générale et sont quatre fois plus souvent traitées de manière inadéquate (chiffres OMS/KCE). La communication reste un obstacle majeur, ce qui entraîne souvent leur exclusion des décisions médicales. »

Le mémoire a pour ambition d’explorer si le partenariat médecin-patient est réellement possible avec des personnes atteintes de handicap mental. Ce qui revient à :

  • identifier les bénéfices concrets d’une approche partenariale sur la relation thérapeutique.
  • mesurer son impact sur l’inclusion et l’autonomie de ces patients.
  • fournir des outils et des pistes pratiques aux médecins généralistes.

Méthodologie

La Dre Mathilde Bertrand a mené pour ce faire une étude qualitative dans le Hainaut (Mons, Soignies) auprès de 11 patients adultes atteints de handicap léger à modéré (quatre femmes, sept hommes) et de six patients sous « administration de personne ». Elle a mené des entretiens semi-dirigés de 10 à 20 minutes, toujours avec un représentant (parent, éducateur, infirmier) pour sécuriser et faciliter la compréhension. Elle a analysé les verbatims par « théorisation ancrée » (codage thématique).

Résultats généraux

« Les patients ont pu exprimer leur opinion et leur vécu, même si la justification de leurs réponses était parfois difficile. Malgré des fragilités, ils manifestent une réelle volonté de participer aux décisions médicales et d’être considérés comme des patients 'normaux' », pointe la Master en spécialisation.

Comment est perçu le médecin généraliste ? Comme une figure de confiance et de proximité, chargé des soins de routine et du suivi. « Les patients attendent des explications simples, rassurantes et souhaitent que le médecin prenne le temps de leur parler directement », pointe la Dre Berland. « Mais certains ressentent du stress lié à la peur des piqûres, aux annonces médicales et à l’impression d’être traités différemment. »

Le partenariat médecin-patient proprement dit

« Les patients veulent recevoir des explications adaptées, car cela les rassure et leur permet d’éviter des erreurs (ex. confusion de médicaments). Ils expriment une préférence variable sur la personne à qui l’explication doit être donnée : eux-mêmes, leur accompagnateur, ou les deux. » L’auteure juge la communication directe avec le patient cruciale pour renforcer leur autonomie et leur confiance.

Se pose également la question du consentement et de la décision : Certains patients estiment normal que le médecin décide seul (« c’est lui qui sait »). D’autres souhaitent donner leur consentement même pour des actes simples, et considèrent important que leur avis soit sollicité (« c’est quand même mon corps ! »). « La décision partagée renforce le sentiment de sécurité et de confiance, mais suppose que le médecin prenne le temps de bien expliquer."

Littératie en santé

La littératie en santé, pour rappel, est la capacité d’un individu à accéder, comprendre, évaluer et utiliser des informations de santé pour prendre des décisions éclairées concernant sa santé, sa prévention et ses soins. Le concept va donc bien au-delà de la simple lecture : il englobe la compréhension du langage médical, la capacité à poser des questions, à suivre un traitement ou à naviguer dans le système de santé. Selon l’OMS, c’est « l’ensemble des compétences cognitives et sociales qui déterminent la motivation et la capacité des individus à accéder, comprendre et utiliser l’information de manière à promouvoir et maintenir une bonne santé ».

Or, l’auteure du mémoire constate que « beaucoup de patients ne cherchent pas d’informations par eux-mêmes, par confiance envers le médecin ou méfiance envers Internet. D’autres s’informent via leur entourage ou des supports simples (livres, vidéos). Il y aurait besoin de développer des supports accessibles ». La Dre Berland cite le langage Falc (facile à lire et à comprendre), les pictogrammes, les vidéos explicatives…

Quel rôle pour le médecin spécialiste ?

Sans vouloir vexer personne, l’auteure constate que « les patients ressentent davantage de stress face aux spécialistes en raison du milieu hospitalier inconnu et du vocabulaire technique). Le spécialiste s’adresse souvent davantage à l’accompagnant qu’au patient, accentuant l’exclusion ». Certains patients développent cependant une relation privilégiée avec le psychiatre, perçu comme plus à l’écoute de leurs émotions.

Comment faire, qu’on soit généraliste ou spécialiste ? Il faut une communication claire, lente et adaptée, si possible agrémentée de pictogrammes, de fiches santé illustrées, « Livret Smile », etc. La comm’ doit être « triadique » (médecin – patient – accompagnateur) et placer le patient au centre tout en intégrant ses proches. La relation de confiance doit être renforcée en durée et en régularité.

L’auteure précise toutefois les limites de sa recherche :

  • L'échantillon restreint (11 patients, une seule région).
  • Le risque de biais d’animation (reformulations, exemples donnés).
  • Le codage et l'interprétation réalisés par une seule investigatrice.

L’étude est cependant solide à plus d’un point : elle est très originale (de très rares études donnent directement la parole aux patients handicapés). La « méthode qualitative adaptée », permet de saisir nuances et émotions. Les résultats sont riches malgré la petite taille de l’échantillon.

Pour conclure : le partenariat médecin-patient est possible avec les personnes en situation de handicap mental. Il améliore leur autodétermination, la qualité et la sécurité des soins. Les médecins généralistes ont un rôle central à jouer dans l’inclusion en santé. Encore trop peu d’outils connus et de formations sont proposés, mais des perspectives prometteuses existent pour renforcer la participation de ces patients.

[1] "Le partenariat médecin-patient est-il aussi possible avec les personnes en situation de handicap mental ? Une étude qualitative auprès des patients", Mémoire/TFE présenté par la Dre Mathilde Berland en vue de l’obtention du grade de Master de spécialisation en médecine générale. Promoteur : Dr. Dominique Lamy. Université libre de Bruxelles, Faculté de Médecine. Année académique 2024-2025.

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Écrit par Nicolas de Pape17 septembre 2025
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