Patient chuteur ? Le repérage opportuniste en 30 secondes
À l'occasion d'une mise à jour en gériatrie, le 59e congrès de l'Association des médecins anciens étudiants de l'ULB (Amub) a permis un bel échange kiné-médecins pour repérer et prendre en charge le patient à risque de chute.

Sous-déclarées et souvent banalisées, les chutes des personnes âgées restent un motif majeur de perte d’autonomie. « Dans la littérature, on considère qu'il y a moins de 20 % des chutes qui sont portées à notre attention, c'est-à-dire qu'on ne les screen pas très bien », regrette Christophe Berlemont, kinésithérapeute à la clinique ortho-gériatrique de l’Hôpital Erasme (Hôpital universitaire de Bruxelles).
Premier levier, simple et efficace : poser trois questions lors de chaque consultation d’un patient de plus de 65 ans. « Et il faut le faire de façon opportuniste, c'est-à-dire que le patient ne vient pas forcément pour signaler ce genre de problème à la base », insiste le kiné. Ces trois questions sont les suivantes :
- Le patient a-t-il chuté dans les 12 derniers mois ?
- Le patient a-t-il un sentiment d’instabilité à la marche ou à l'équilibre ?
- Le patient ressent-il une peur de chuter ?
Une réponse positive peut orienter un algorithme décisionnel clinique vers la prescription de séances de kinésithérapie.
La peur de chuter fait aussi des dégâts
Le second levier exposé par Christophe Berlemont est de traquer la peur de chuter et la désadaptation psychomotrice, qui sont des causes fréquentes d’une spirale d’inactivité, dont les conséquences sont dramatiques. À l’examen, certains signes sont très parlants : hypertonie oppositionnelle des membres supérieurs, position en triple flexion, rétropulsion du corps, et surtout la posture dite « de la planche à voile » (postérieur en arrière et bras tendus en avant, à la manière d'un véliplanchiste aguerri que votre patient n'est sans doute pas ou plus). « Si vous voyez le signe de la position de la planche à voile, il faut vraiment vous poser la question : est-ce que mon patient ne souffrirait pas de cette peur de chuter ? »
Christophe Berlemont appelle à ne pas se laisser piéger par les stéréotypes : « Ce qui est très important dans le screening, c'est de ne pas être dans l'ultra-protection de certaines personnes, mais aussi de trouver les gens qui sont à prise de risque. » En pratique, un “oui” aux trois questions déclenche une évaluation fonctionnelle (tests rapides au cabinet) et, si besoin, une prescription de rééducation de l’équilibre et de la marche, idéalement précoce. L’objectif est double : prévenir la récidive et casser la peur de chuter avant qu’elle n’entraîne déclin fonctionnel, des complications d’alitement et une institutionnalisation.