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USA: la santé prise en otage par la politique chaotique de Trump

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Donald Trump est disruptif, un trait de caractère que personne ne peut lui nier. Certains le considèrent même comme un révolutionnaire, le comparant à Mao pour sa capacité à transformer radicalement un système - mais à quel prix? À peine revenu au pouvoir, le président étasunien applique une stratégie où le chaos semble être un mode de gouvernance assumé. Par un enchaînement de décrets et de décisions arbitraires, il démantèle méthodiquement les financements publics, y compris ceux alloués à la santé, tant aux États-Unis qu'à l'international.

C'est une véritable politique d'autodestruction que Trump est en train de mener. Sans doute séduit dans cette manoeuvre par la politique appliquée par son grand ami, le président argentin Javier Milei. L'Argentine peut se permettre de se désengager de l'OMS, au risque de nuire à elle-même. Mais quand ce sont les États-Unis, le plus grand mécène de la santé mondiale, qui tournent le dos, c'est une autre histoire.

Malheureusement, à cette politique de désengagement d'organisations internationales s'ajoute la volonté de détruire méthodiquement les institutions publiques étasuniennes, de l'éducation à la recherche en passant par la santé. Et, bien que la justice tente d'endiguer l'hémorragie, l'administration Trump ne ralentit pas la cadence.

Le cas de l'USAID

Parmi les principales victimes de cette politique: l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Fondée en 1961, cette institution indépendante gérait jusqu'ici un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, soit près de 42% de l'aide humanitaire mondiale.

Une aide que Trump entend bien détricoter, car jugée trop onéreuse et inefficace. Son administration a opéré une révision systématique des contrats de l'USAID, avec pour objectif affiché de réduire drastiquement l'aide au développement. Aux dernières nouvelles - et elles évoluent presque chaque jour - , le secrétaire d'État Marco Rubio a confirmé la suppression de 83% des contrats de l'USAID, ne laissant subsister qu'environ 1.000 contrats, désormais gérés directement par le Département d'État.

En réduisant à peau de chagrin les fonds alloués à l'USAID et en confiant la gestion de l'aide étrangère au Département d'État, Trump impose une vision ultranationaliste où les États-Unis se désengagent de toute responsabilité internationale. Derrière ces manoeuvres budgétaires se cache une idéologie anti-science et anti-solidarité, où la diplomatie sanitaire est sacrifiée au profit d'un repli isolationniste. En déstabilisant les financements de la recherche et en étranglant les programmes de santé publique, Trump place "son" pays et le monde entier dans une situation de vulnérabilité extrême.

Un désastre sanitaire et humanitaire annoncé

Résultat des courses de cette politique désastreuse? Selon des mémos internes obtenus par l'agence de presse Reuters et relayés par le New York Times et Politico, les conséquences pourraient être catastrophiques. Nicholas Enrich, administrateur adjoint par intérim pour la santé mondiale à l'USAID (depuis mis en congé), détaille dans ces documents les projections catastrophiques liées à ces restrictions:

? Jusqu'à 18 millions de cas supplémentaires de paludisme par an et 166.000 décès évitables ;

? 200.000 enfants paralysés chaque année par la poliomyélite, avec des centaines de millions d'infections potentielles ;

? Un million d'enfants privés de traitement contre la malnutrition aiguë sévère, souvent fatale ;

? 28.000 nouveaux cas de maladies infectieuses comme Ebola et Marburg chaque année.

À ces risques s'ajoutent une hausse de la mortalité maternelle et infantile dans 48 pays, une augmentation de 30% de la tuberculose résistante aux médicaments, et des épidémies incontrôlées de mpox et de grippe aviaire, pouvant toucher jusqu'à 105 millions de personnes aux États-Unis, rapporte le New York Times[1].

Matthew Kavanagh, directeur du Georgetown University Center for Global Health Policy and Politics, avertit Reuters: "À moins d'un revirement, cela coûtera des millions de vies, selon les propres estimations du gouvernement."

Une répercussion aux États-Unis

Si ces coupes frappent en priorité les pays en développement, elles auront aussi des répercussions directes aux États-Unis et au-delà. La fin du financement des programmes de lutte contre la tuberculose résistante pourrait entraîner une recrudescence des cas sur le sol étasunien. Chaque patient atteint de tuberculose multi-résistante coûte 154.000 dollars en soins hospitaliers aux États-Unis rapporte le New York Times. La fin des efforts pour contenir Ebola en Ouganda pourrait quant à elle réintroduire le virus dans des pays occidentaux. En 2014, un seul patient atteint d'Ebola à New York a coûté 4,3 millions de dollars aux autorités sanitaires locales.

À ce stade, l'administration Trump ne répond pas aux critiques. Ni elle, ni l'USAID n'ont publié de déclarations officielles concernant ces coupes budgétaires. Les demandes de commentaires adressées au département d'État et au Département de l'efficacité gouvernementale (Doge) sont restées sans réponse. De son côté, la communauté internationale s'inquiète d'un retour de maladies autrefois sous contrôle. "Nous nous dirigeons vers un désastre", conclut un haut fonctionnaire sous couvert d'anonymat dans Politico[2]. Reste à voir si cette décision sera contestée au Congrès ou si la communauté internationale tentera de combler ce vide humanitaire.

[1] https://www.nytimes.com/2025/03/02/health/usaid-cuts-deaths-infections.html, consulté le 12 mars 2025

[2] https://www.politico.com/news/2025/02/27/foreign-aid-cuts-usaid-hiv-malaria-00206564, consulté le 12 mars 2025

Des conséquences pour la recherche

La politique de Trump a des conséquences sur la santé, mais aussi sur la recherche. "Il y a un véritable vent de panique parmi mes collègues et collaborateurs, notamment ceux qui travaillent sur des thématiques sensibles", témoigne le Dr Pierre Foidart, oncologue et chercheur au Giga de l'ULiège qui a passé quatre ans au Dana-Farber Cancer Institute de Boston. "Par exemple, j'ai rencontré une personne ayant démontré scientifiquement que l'homosexualité n'est pas une maladie et qu'elle n'est pas liée à des facteurs génétiques, contrairement à ce que certains voulaient prétendre. Cette étude a causé de gros problèmes à l'époque. Aujourd'hui, des chercheurs travaillant sur des sujets similaires risquent de perdre leurs financements en raison des politiques mises en place par l'administration Trump."

Au-delà des coupes budgétaires tous azimuts, Trump cible aussi les programmes DEIA (diversité, équité, inclusion et accessibilité) dans sa croisade contre le "wokisme". "J'ai un autre exemple frappant: le père d'une collègue travaille aux États-Unis sur le changement climatique, mais il ne peut plus utiliser le terme 'climate' dans ses travaux. Cela illustre bien les restrictions imposées dans certains domaines scientifiques."

"Il y a une forte inquiétude, notamment parmi les jeunes chercheurs principaux (PI) qui débutent leur carrière. Ces jeunes chercheurs voient leurs financements menacés, ce qui compromet l'engagement de post-doctorants et de doctorants. Beaucoup risquent de ne plus pouvoir embaucher de collaborateurs, ce qui est extrêmement inquiétant pour l'avenir de la recherche. Pour l'instant, il n'est pas encore totalement défini qui perdra ses financements, mais il est certain que certaines thématiques, comme l'étude des orientations sexuelles ou les recherches sur le climat, seront particulièrement affectées."

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